« Il s’assit sur une grosse pierre et se laissa hypnotiser par l’horizon qu’il avait en face de lui. Il ne pouvait concevoir l’Amour sans y mêler l’idée de possession. Mais Fatima était une femme du désert. Si quelque chose pouvait l’aider à comprendre, c’était bien le désert.

Il demeura ainsi, sans penser à rien, jusqu’au moment où il eut l’impression que quelque chose bougeait au-dessus de sa tête. En regardant en l’air, il vit deux éperviers qui volaient très haut dans le ciel.

Il observa les rapaces, et les figurent qu’ils dessinaient en volant. C’étaient apparemment des lignes désordonnées, mais elles avaient cependant un sens pour lui. Simplement, il n’arrivait pas à déchiffrer leur signification. Il décida donc de suivre du regard les évolutions des deux oiseaux, peut-être pourrait-il y lire quelque message. Peut-être le désert pourrait-il lui expliquer l’amour sans possession.

Il sentit venir le sommeil. Son cœur, pourtant, lui demanda de ne pas dormir ; et, tout au contraire, il devait s’abandonner. « Me voici qui pénètre à l’intérieur du Langage du Monde, dit-il ; et tout, ici-bas, a un sens, jusqu’au vol même des éperviers. » Il se sentit plein de reconnaissance pour cet amour qu’il portait à une femme : « Quand on aime, pensa-t-il, les choses ont encore davantage de sens. »

Subitement, l’un des éperviers descendit en piqué pour attaquer l’autre. A ce moment précis, le jeune homme eut une soudaine et brève vision : une troupe armée envahissait l’Oasis, l’épée au poing. La vision s’effaça tout aussitôt, mais lui laissa une vive impression. Il avait entendu parler des mirages, et en avait déjà vu quelques-uns : c’étaient des désirs qui se matérialisaient sur le sable du désert. Et pourtant, il ne désirait certainement pas voir une armée s’emparer de l’Oasis.

Il voulut oublier tout cela et revenir à sa méditation, il essaya de se concentrer à nouveau sur le désert d’ocre rose et sur les pierres. Mais quelque chose en son cœur ne le laissait pas en repos. »


L’Alchimiste de Paulo Coelho (titre original : O Alquimista)
(J’AI LU)